Le Martin P6M SeaMaster
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I. Origine
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Création/Mise à jour : 28/10/2001 |
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Le SeaMaster répondait à un cahier de charge de l'US Navy qui demandait un hydravion à moyen rayon d'action capable de se diriger vers la zone des combats à haute altitude à vitesse transsonique puis qui à environ 150 km de son objectif descendait jusqu'à 50 m au- dessus de la mer, larguait ses mines à une vitesse supérieure à 550 noeuds (1020 km/h) et moins de 30 m d'altitude avant de regagner son point de départ de nouveau à haute altitude. Les quatre moteurs Allison J71-A-4 employés sur les XP6M-1 et YP6M-1 représentaient un changement de dernière minute: les turboréacteurs pour lesquels la cellule avait été étudiée étaient des hybrides "turbo-stato" d'avant garde que Curtiss-Wright ne parvint pas à mettre au point. Deux visites accomplies au centre d'essai de l'ARNO à Tullahoma en Alabama furent l'occasion par moi de constater de visu l'impossibilité de passer du régime "turbo" au régime "stato", les essais s'achevant à chaque fois par des échecs retentissants. Du coup, les versions initiales furent terriblement sous-motorisées si on tient compte des performances pour lesquelles l'avion avait été conçu dès l'origine. Le moteur représentait un véritable cauchemar pour les mécaniciens car Allison avait adapté à la hâte un modèle déjà existant et pratiquement tout le développement de cette version fut accompli en vol sur les XP6M-1. Allison avait fort peu de temps pour adapter le J71 à l'environnement "océanique" bien spécifique du SeaMaster, ce qui eut pour résultat qu'à peu près chaque vol entraînait des modifications des moteurs. Lors des premiers essais de moteur au sol, nous avions la post-combustion sur les quatre J71, mais la PC des moteurs intérieurs provoqua des criques dans l'arrière du fuselage sans parler d'échauffements fâcheux. Tous les vols sur XP6M-1 furent par conséquent effectués sans la PC sur les moteurs intérieurs. Elle ne pouvait être employée qu'au décollage et contribuait grandement à faire du cockpit des XP6M-1 les plus animés qui aient jamais existé dans l'histoire de l'Aviation, du moins lors du décollage. En effet, en plus de leurs activités habituelles, pilote et copilote, après avoir accéléré jusqu'à 20 noeuds (36 km/h) essayaient d'allumer les PC; ce qui impliquait généralement deux ou trois tentatives et la moitié du temps un seul sur les quatre moteurs restait avec sa PC allumée! Fréquemment, durant le même déjaugeage, nous perdions et remettions la PC en marche plusieurs fois... |
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Une fois l'avion sur le redan, l'équipage rentrait les becs à fente sur la portion intérieure des ailes refermait les entrées d'air auxiliaires (ce qui occasionnait souvent l'extinction de la PC), coupait le circuit des gouvernes hydrodynamiques et ajustait les volets pour le décollage. Les problèmes de criques et d'échauffement furent totalement résolus sur les YP6M-1 par le montage des moteurs en biais vers l'extérieur ainsi que par le renforcement du fuselage. Le SeaMaster marquait l'aboutissement d'études hydrodynamiques très approfondies menées par l'US Navy et par Martin avec pour résultat un progrès beaucoup plus significatif dans les qualités marines de l'hydravion que dans l'ensemble des autres performances. En effet, il avait été conçu pour pouvoir opérer sur une mer offrant des creux de 1,80 m à 2,70 m et bien qu'il n'ait pas achevé toutes les démonstrations en pleine mer, il avait passé tous ces essais avec une bonne marge de sécurité. Nous avons, par contre, effectivement démontré la stabilité de la coque depuis la vitesse de décrochage jusqu'à des vitesses sur l'eau supérieures à 200 noeuds (370 km/h). Pratiquement, cela supprimait la nécessité d'employer des pilotes aguerris au comportement particulier des hydravions. Sur des mers où le clapot variait entre 0,90 et 1,20 m, le pilote d'un Martin P5M-2 Marlin avait pas mal de travail à maintenir son appareil alors que le P6M se comportait comme si l'eau était calme. Il n'y a pas une seule et simple explication pour expliquer l'abandon du programme. Au moment de cet abandon, le SeaMaster ne présentait aucune faiblesse significative en vol, bien au contraire c'était un avion de rêve pour le pilote, et il atteignait ou dépassait toutes les performances prévues. Le principal problème venait de ce qu'il s'agissait d'un système d'armes entièrement nouveau et très coûteux qui arrivait à un moment où l'US Navy se battait pour financer de nouveaux types d'armes — les sous-marins nucléaires et leurs missiles Polaris notamment. Non seulement, l'hydravion coutaît cher selon les critères de l'US Navy, à l'époque, mais il impliquait la construction de nouvelles hydrobases, l'achat d'équipements spécialisés, de nouveaux bâtiments de soutien logistique pour hydravions, de nouvelles mines, d'autres capacités de ravitaillement en vol. Hélas, les retards dans le programme d'essai, non seulement augmentèrent les prix de base, mais pire encore aggravèrent la confrontation "directe" avec le programme Polaris. A ces problèmes financiers s'ajoutait le rôle opérationnel, plutôt sujet à caution, de l'appareil. On clama à différentes périodes de son existence qu'il devait miner des ports et qu'en tant qu'hydravion d'attaque à long rayon d'action il ferait partie d'une Seaplane Strike Force qui épaulerait les porte-avions. En vérité, il avait été bien difficile de trouver un seul pilote de l'US Navy ayant quelque importance qui avait été prêt à sacrifier un porte-avions pour une flotte entière de P6M-2. Hélas, son rôle véritable était le bombardement stratégique, rôle que l'US Navy se refusait à seulement discuter de manière bien compréhensible d'ailleurs. Le SeaMaster offrait des performances qui dépassaient de loin les avions contemporains qu'employait le SAC et avec des turboréacteurs plus puissants et les améliorations habituelles envisageables sur tout l'appareil, il aurait pu être compétitif même comme bombardier stratégique. En guise de conclusion, on peut se demander au cas où le développement du P6M avait abouti si l'hydravion aurait pu devenir un élément important dans le monde d'aujourd'hui. Pure spéculation mais digne d'intérêt pour qui participa, comme moi, tant d'années à la réalisation du SeaMaster, l'hydravion le plus performant de l'histoire. |
Sources : Le texte de cette monographie est issus du AIR FAN n° 71 de Septembre 1984. Auteur : Georges A. Rodrey |
Le Martin P6M SeaMaster |