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Les Blackbird de Lockheed
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IV. Le M-21
Translate : in English in Spanish in German Création/Mise à jour : 10/10/2003
I. L'avion de reconnaissance A-12
II. Caractéristiques du A-12
III. Les missions du A-12
IV. Le M-21
V. Le drone D-21A
VI. Le drone D-21B Senior Bowl
VII. Les missions du D-21B
VIII. Les missions du D-21B -Suite-
IX. Les missions du D-21B -Suite 2-
X. L'intercepteur YF-12
XI. Les essais du YF-12
XII. Abandon du YF-12
XIII. ANNEXE : Chronologie
XIV. ANNEXE : Convair FISH & KINGFISH

 

Le M-21

 

Quand il a été conçu début 1958, la mission de l'A-12 était le survol de l'Union soviétique pour des missions d'espionnage. Mais quand le U-2 de Francis Gary Power a été abattu le 1er mai 1960, la donne a complètement changée. Une des nombreuses concessions faites par le Président Eisenhower pour la liberté de Power était la cessation immédiate de tous les survols pilotés. Le mot "piloté" a été soigneusement stipulé en raison des missions envisagées pour les futurs satellites de reconnaissance. Cependant, puisque les satellites étaient encore à plusieurs années du service opérationnel, la C.I.A a estimé que les drones ne relevaient pas de la catégorie piloté.

Une des premières suggestions des Skunk Works était d'utiliser un QF-104 modifié lancé à partir d'un A-12. La C.I.A n'a montré absolument aucun intérêt pour ce concept, ainsi Lockheed est retourné à la planche à dessin. Le 10 octobre 1962, la C.I.A autorise Lockheed à étudier un nouveau drone codé "TAG-BOARD" spécifiquement conçu pour le survol de l'Union soviétique et de la Chine.

Aucune condition précise ne semble avoir été émise par la C.I.A, et Clarence "Kelly" Johnson était en grande partie libre pour développer le nouveau drone. Le véhicule devait être simple, relativement léger, capable de voler au-dessus de Mach 3 à 30 000 mètres, avoir une faible signature radar, et être compatible avec les systèmes et les techniques déjà développés pour le A-12.

Une des premières décisions fut de choisir le design d'aile en double delta du Blackbird. En raison de la complexité du turboréacteur et de ses prises d'air associées, le J-58 a été rapidement rejeté en faveur d'un ramjet de Marquardt, le RJ43-MA-20-B4. Comme les statoréacteurs ne fonctionnent pas aux basses vitesses, un A-12 biplace modifié (codé M-21) a été choisi comme plate-forme de lancement. Le drone a été initialement désigné Q-12.

Le M-21 au cours des essais de largage du D-21A

 

Le M-21

 

Pendant que le travail progressait, le drone a été redésigné D-21, son véhicule de lancement M-21 (D signifiant "Daugther", M "Mother" et -21 étant simplement un 12 inversé pour éviter la confusion avec le A-12). Une maquette grandeur réelle du drone a été terminée le 7 décembre 1962, et a passé les deux semaines suivantes au banc de test pour déterminer la signature radar.

Les deux M-21 étaient des A-12 spécialement construit et non des A-12 modifiés sur la chaîne de montage mais les différences étant minimes. Le M-21 fit son premier vol le 1er Avril 1964. Un pylône dorsal supportait le D-21 mais des considérations aérodynamiques ont eu comme conséquence un pylône plus court que ce que Clarence "Kelly" Johnson souhaitait. Pour cette raison, le M-21 devait "provoquer" la séparation du drone par la pression dynamique (en descendant) pendant le lancement au lieu de voler à niveau constant comme initialement prévu, un choix qui sera, plus tard, amèrement regretté.

Le pylône contenait une série d'attaches pour fixer le D-21 au M-21, des dispositions pour le largage pneumatique de secours du D-21, et un système de réapprovisionnement en carburant pour compléter les réservoirs du drone avant le lancement. A la différence de l'A-12 initial, le M-21 était biplace et avait un second siège pour l'officier de lancement (LCO) qui utilisait un périscope pour surveiller la séparation du drone.

Le M-21 et le D-21A

 

Le M-21

 

Il y avait seulement six pouces d'espace entre les saumons d'aile du D-21 et le dessus des stabilisateurs verticaux du M-21. Le D-21 était placé derrière le centre de gravité du M-21 et avec le nez légèrement relevé. Des carénages largables de nez et de queue ont été installées pour réduire la trainée du drone sur le M-21 pendant les vols captifs et le premier essai de séparation. Le carénage de prise d'air était incliné vers le bas pour aider le flux d'air à passer au-dessus du M-21 et du D-21.

Les essais d'accouplage ont commencé le 19 juin 1964 dans le bâtiment 309/310 à Burbank en utilisant le premier M-21 (60-6940) et le premier D-21 (501). Très peu de problèmes ont été constaté, et le drone et le M-21 sont passés en assemblage final. Les premiers vols captifs se sont déroulé à partir du 22 décembre 1964, le même jour que le premier vol du SR-71.

La date prévue pour le premier lancement était celle de l'anniversaire de Johnson, le 27 mars 1965 mais cela n'a pas pu être réalisé. Beaucoup de problèmes ont dû être résolus, et le premier lancement s'est déroulé le 5 mars 1966 au-dessus de l'océan pacifique quelque part entre le point Mugu et Vandenberg AFB. Lors de ce premier lancement, le carénage de prise d'air du drone a heurté le bord d'attaque des ailes du D-21, provoquant beaucoup de dégats, comme on peut le voir sur la photo ci-dessous.

Tous les vols du D-21 seront réalisés ensuite sans carénages. Le ramjet du D-21 était habituellement mis en marche vers Mach 1,24 pour éliminer la trainée induite, et pour fournir de la puissance supplémentaire de façon à atteindre plus rapidement la vitesse de séparation.

La masse supplémentaire du D-21 diminuait de manière significative l'accélération du Blackbird. Pour être à la vitesse et à l'altitude correctes au-dessus du point Mugu, le M-21 devait accélérer à pleine puissance à partir d'Albuquerque au nouveau Mexique. Une fois que le ramjet fonctionnait à pleine puissance, le M-21 prennait une assiette descendante de quelque degré pour réaliser la séparation avec le drone.

Les réserves de carburant étaient minimales quand le M-21 atteignait le point de lancement, et un ravitaillement devait être fait juste après le lancement du drone (ou juste après que la décision ait été prise de ne pas le lancer). La première séparation réussie d'un M-21 a été faite le 5 mars 1966 avec un drone contenant seulement 25% de son chargement en carburant. Un lancement avec 50% du carburant a été réalisé le 27 avril 1966, le premier lancement avec le plein de carburant le 16 juin 1966.

Le D-21  lors de la première tentative de lancement du drone

 

Le M-21

 

 

Avec le plein de carburant, le drone parcourait presque 2000 km et pouvait réaliser huit manoeuvres préprogrammées. Le pilote d'essai de Lockheed, Bill Park, pensait que le maintien d'une assiette descendante très précise serait difficile en utilisation opérationnelle. Afin de déterminer l'angle critique, un lancement fut programmé le 30 juillet 1966 avec le plein de carburant pour le D-21. Pendant que le M-21 entamait sa descente avec un angle de test légèrement supérieur à celui utilisé jusqu'ici, le statoréacteur a eu une extinction "assymétrique" faisant basculer le D-21 (504) vers la droite à la séparation.

Bill Park a essayé de corriger la situation, mais le D-21 a percuté le M-21 à Mach 3.25, détruisant le gouvernail de direction droit, la nacelle de moteur droite, et la majeure partie du panneau de revètement externe de l'aile. Le Blackbird a alors plongé vers le Pacifique, hors de contrôle.

Bill Park et Torick, son copilote en place arrière, se sont éjectés avec succès, mais la combinaison pressurisée de Torick a été déchiré pendant l'éjection, se remplissant d'eau immédiatement après l'amerrissage. Torick s'est noyé avant que les équipes de secours arrivent sur les lieux. Cet accident a conduit à l'abandon du programme TAG-BOARD en août 1966 et il n'y a eu aucune mission opérationnelle du M-21/D-21 au contraire du D-21B "Senior Bowl".

Bill Park

Clarence "Kelly" Johnson était cependant persuadé que le D-21 ferait un excellent drone de reconnaissance et a lancé des études pour un D-21 accéléré par un booster après le largage par un avion gros porteur. Les drones D-21 restants ont été modifiés (programme SENIOR BOWL) pour le lancement depuis un Boeing B-52H et re-désignés D-21B. Deux B-52H ont été modifiés pour porter le D-21B, et ont réalisés un total de 17 lancements et quatre missions opérationnelles au dessus de la Chine avant l'abandon du programme le 23 juillet 1971.

L'existence du D-21 était le secret le mieux gardé du programme Blackbird. Il est resté totalement inconnu du public pendant plus de dix ans, en fait il avait déjà été retiré du service, quand il a été accidentellement "découvert". Dix-sept D-21 avaient été stockés à Davis-Monthan AFB près de Tucson, en Arizona, et étaient recouvert par des protections pour les protéger des yeux indiscrets. Une tempête souleva les protections des drones le matin même ou un groupe de fana d'aviation participait à une visite de la zone de stockage. Les photographies du D-21 sont apparues dans Aviation Week quelques temps après...

Sources :

1) WARBIRD TECH Serie Vol 10. Auteur : Dennis R. JENKINS
2) DOCAVIA n°29 Les avions Lockheed. Auteur : Bernard Millot
3) Lockheed Blackworld skunk Works. Auteur : P. Crickmore
4) Lockheed SR-71 Blackbird. Auteur : P. Crickmore Ressources online :
Lockheed A-11, A-12, SR-71 and YF-12A du site UNREAL AIRCRAFT
A-12 Oxcart Par Andrew McLaughlin
Lockheed YF-12A Par J. Baugher
The U-2's Intended Successor:Project Oxcart,1956-1968 du site Lockheed Blackbird
The Oxcart Story Par Thomas P. McIninch
The D-21B and Project “Senior Bowl” Par James C. Goodall et Nora D. Goodall
Lockheed D-21 Air Launched Drone
YF-12A Interceptor
Blackbird : les crashs du site SR-71 Online
A-12 Blackbird du site SR-71 Online

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