Le North American Navaho
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V. Les essais en vol du G-26
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Création/Mise à jour : 12/06/2003 |
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Le premier lancement du Navaho G-26, en novembre 1956, fut précédé de tentatives infructueuses et d'un nombre important de disfonctionnement affectant à peu près tous les systèmes du missile. Quand le missile décolla finalement ce fut pour exploser après 26 secondes de vol seulement. Une défaillance du pilote automatique provoqua une rupture de la structure à cause d'efforts dynamiques excessifs. Le tir suivant du 22 mars 1957 fut à nouveau ponctué d’incidents. Au décollage, le dispositif d’avitaillement refusa de se séparer du missile et fut finalement arraché par la pression dynamique causant des dommages importants au booster. Ces dommages provoquèrent un arrêt prématuré du moteur-fusée du booster. En conséquence, l’étage de croisière se sépara à seulement Mach 1,3 ce qui empêcha toute tentative d’allumage des statoréacteurs. Ce premier vol se termina par un vol plané de l'étage de croisière jusqu'à l'impact dans l’océan. La troisième tentative, le 25 avril 1957, sera encore plus catastrophique et se terminera par une explosion quelques secondes après le décollage. La cause était un arrêt du moteur-fusée et la retombée du G-26 sur le pas de tir. En plus de la perte du véhicule d’essai et des données de vol attendues avec impatience, le pas de tir était fortement endommagé comme on peut le voir sur les photos ci-dessous. La quatrième tentative du 26 juin 1957 fut pratiquement une répétition du second vol avec incendie dans le compartiment moteur du booster, séparation à une vitesse insuffisante et impossibilité de démarrer les statoréacteurs de l’étage de croisière. A ce stade, le programme Navaho G-26 était un désastre et l'USAF annula le programme quelques semaines plus tard en juillet 1957. L'USAF autorisa néanmoins cinq vols supplémentaires du G-26 pour utiliser les G-26 déjà construits et acquérir des données sur le vol à Mach 3 et à haute altitude. C’est ironiquement après son annulation que le Navaho consentit à donner quelques résultats intéressants. En effet, lors du cinquième vol du 12 août 1957, et après plusieurs tentatives de lancement, le G-26 décolla normalement de son pas de tir. Cependant, un disfonctionnement du système de séparation conduisit à une séparation à une altitude plus élevée que la normale. Néanmoins, l’étage de croisière se sépara normalement et les statoréacteurs furent allumés pour la première fois puis tombèrent en panne au bout de sept minutes en raison d'un problème d'alimentation en air. Bien que le G-26 n°5 ne put parcourir une grande distance, ce vol fut le premier succès, mitigé, du programme Navaho.
Le vol suivant, le 18 septembre, fut un peu mieux réussit avec, cette fois-ci, un fonctionnement nominal du booster, une séparation normale et l’allumage réussi des statoréacteurs. L’étage de croisière parcourut 800 km avant une extinction des statoréacteurs en raison d’un problème d’alimentation en air déjà constaté lors du vol précédent. Il semble que lors de virages trop serrés, l’alimentation en air devenait insuffisante ce qui provoquait l’extinction des statoréacteurs. A cette date, les Russes avaient entamé les essais en vol de l’alter ego soviétique du Navaho, le Lavochkine La-350 Burya, avec des résultats aussi catastrophiques que les Américains. Lors du premier envol du Burya, le 1er septembre, celui-ci avait eu presque exactement le même problème que le second Navaho avec un arrêt intempestif d’un moteur de booster et la retombée immédiate du missile. Celui-ci aura cependant le bon goût de s’écraser à coté du pas de tir ! |
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Encouragé par les premiers vols réussit du Navaho, les Américains poursuivent la campagne de tir avec un septième vol, le 13 novembre 1957. Malheureusement, celui-ci sera un échec pour une stupide panne de télémétrie qui obligera les opérateurs à détruire le missile en vol alors que tout se déroulait normalement. Le vol suivant du 10 janvier 1958 fut le plus réussit de la série et même l’unique vol considéré comme un succès, le missile ayant pour la première fois remplit tous ses objectifs. Après un décollage, une séparation et un allumage des statoréacteurs normal, le Navaho effectua son trajet à une vitesse moyenne de Mach 2,8, atteignit le point visé puis fit demi-tour vers Cap Canaveral. Cependant, une nouvelle fois, un virage trop serré provoqua une extinction du statoréacteur droit et la perte du missile. Celui-ci avait tout de même parcourut 1700 km ce qui sera la meilleure performance du Navaho en terme de distance franchissable. On était cependant encore loin des 5600 km nominaux du missile. Le Burya battra ce « record » le 19 avril 1959 avec 1766 km puis battra à plate couture le Navaho en parcourant 6500 km à deux reprises en 1960. Le dernier tir du G-26 dans le cadre du programme Navaho sera un nouvel échec total avec la destruction télécommandé du missile au bout de 20 secondes en raison de la panne du moteur-fusée du booster. |
Test |
Date |
G26 |
Booster |
Objectif |
Durée |
Altitude (m) |
Vitesse (Mach) |
Distance (km) |
Remarque |
Programme d'essai : | |||||||||
1 |
6 novembre
1956 |
n°1 |
003 |
Recueil de données
aérodynamiques. |
26 secondes |
? |
? |
? |
Explosion
en vol au bout de 26 seconde de vol en raison d'une défaillance
du pilote automatique donnant des ordres érronés et causant
une rupture de la structure à cause des efforts dynamiques excessifs. |
2 |
22 mars
1957 |
n°4
(8271) |
006 |
idem |
4 min et 39 secondes |
8600 |
1,3 |
41 |
Tir effectué
après deux tirs statiques du booster. Non séparation d'un
raccord carburant causant des dommages importants au booster. Arrêt
prématuré du moteur-fusée du booster. Séparation
à Mach 1,3 seulement empéchant le démarrage des statoréacteurs.
Vol plané contrôlé de l'étage de croisière
jusqu'à l'impact. |
3 |
25 avril
1957 |
n°5
(8272) |
007 |
idem |
_ |
_ |
_ |
_ |
Essai
statique réussi du booster après cinq tentatives. Arrêt
du moteur-fusée quelques secondes après le décollage.
Le missile retombe sur le pas de tir et explose à l'impact. |
4 |
26 juin
1957 |
n°3
(8270) |
008 |
Recueil de données
aérodynamiques lors de la séparation et le vol de croisière.
Etude du fonctionnement du statoréacteur et du système carburant. |
4 min et 29 secondes |
12200 |
1,63 |
75 |
Décollage
normal puis incendie dans le compartiment du moteur-fusée. La séparation
à tout de même lieu avec succès mais les statoréacteurs
ne peuvent être démarrés en raison de la vitesse insuffisante.
L'étage de croisière réalise un vol plané
contrôlé. |
5 |
12
août 1957 |
? |
009 |
Idem ci-dessus et
lancement depuis un pas de tir mobile. |
9 min et 26 secondes |
24700 |
2,93 |
370 |
Après
plusieurs tentatives de lancement, décollage normal du Navaho.
Disfonctionnement du système de séparation conduisant à
une séparation plus haut que le normale. Les statoréacteurs
sont allumés pour la première fois. Panne des ramjets au
bout de sept minutes en raison d'un problème d'alimentation en
air. |
6 |
18 septembre
1957 |
n°6
(54-3095) |
010 |
idem |
18 min et 57 secondes |
23400 |
3,5 |
800 |
Lancement,
séparation et allumage des statoréacteurs normal. Extinction
des statos en raison d'un virage trop court. |
7 |
13
novembre 1957 |
n°7
(54-3096) |
011 |
Test booster, séparation,
allumage ramjet, guidage inertiel et contrôle en vol. Recueil de
données sur le fonctionnement des statoréacteurs |
75 secondes |
20400 |
3,24 |
_ |
Décollage
normal puis perte de la télémétrie à cause
d'un problème de régulateur. Le missile est détruit
par télécommande. |
8 |
10
janvier 1958 |
n°9
(54-3098) |
013 |
idem mais le Navaho
est lancé à une masse plus élevée. |
42 minutes et 28
secondes |
22200 |
3,15 |
1730 |
Décollage,
séparation et allumage des statoréacteurs normal. Le navaho
parcours son trajet à une vitesse de croisière de Mach 2,8
atteint le point visé puis fait demi-tour vers Cap Canaveral. Le
virage provoque une extinction du statoréacteur droit provoquant
la chute du missile. |
9 |
25 février
1958 |
n°8
(54-3097) |
012 |
idem |
20 secondes |
_ |
_ |
_ |
Panne
de booster après 20 secondes de vol. Missile détruit par
télécommande. |
Programme RISE : | |||||||||
10 |
11
septembre 1958 |
n°15
(55-4223) |
014 |
Vol du programme RISE
d'acquisition de données sur le vol supersonique pour le XB-70
et le F-108 |
? |
? |
? |
132 |
Lancement
et séparation normale. Echec du démarrage des ramjets suite
à un problème d'alimentation en carburant. |
11 |
18 novembre
1958 |
n°14
(55-4222) |
004 |
idem |
? |
23400 |
? |
? |
Lancement
normal mais le booster se brise juste avant la séparation. |
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Les essais finaux du Navaho consistèrent en deux lancements dans le cadre du projet RISE (Research in Supersonic Environment), qui ont également échoué. Lors du premier vol, le 11 septembre 1958, les ramjets n'ont pas démarré suite à un problème d'alimentation en carburant et lors du deuxième et dernier vol, le 18 novembre 1958, le missile s'est brisé vers 23 500 mètres d'altitude. Le programme a coûté plus de $700 millions pour un gain de moins d'une heure de vol. Le Navaho a été annulé en raison du succès plus rapide du missile balistique Atlas. Mais les moteurs, les techniques de fabrication des structures de missile, l'équipement de navigation à inertie, et les techniques de télémétrie développées pour le Navaho ont établi la base technique pour tous les développements ultérieurs de fusée aux USA. Le Navaho faisait appel à des technologies nouvelles ce qui a eu comme conséquence un missile très complexe pour l'époque. Par exemple, l'échauffement aérocinétique (300°F à Mach 2 et 660 à Mach 3) exigeait l'emploi de matériaux nouveaux. North American utilisa des alliages au titane beaucoup plus résistant que l'aluminium mais 40 % plus léger que l'acier. Les autres technologies peu expérimentées à l'époque incluaient la configuration delta/canard, les ramjets et le gros booster d'accélération. |
Sources : Le Navaho : |
Le North American Navaho |